Elle s’appelait Sophie Lionnet, avait vingt-et-un ans, et rêvait d’horizons nouveaux. Partie de Troyes, elle pensait trouver à Londres une expérience enrichissante comme jeune fille au pair. Elle y a trouvé l’enfer. Ce n’est qu’un soir de septembre 2017 que la vérité commence à se frayer un chemin, dissimulée sous des volutes de fumée noire. Des voisins incommodés par une odeur insupportable alertent les pompiers. Ce qu’ils découvrent dans le jardin d’une maison du quartier de Southfields glace le sang : un corps calciné, dissimulé dans une valise, abandonné sur un brasier improvisé.
Le mystère s’épaissit, mais bientôt, l’identité de la victime est confirmée. Il s’agit de Sophie, employée par Sabrina Kouider et Ouissem Medouni, un couple de Français installés dans la capitale britannique. Ce que l’on croyait être un simple drame domestique se révèle alors être une affaire d’une noirceur abyssale.
Sous le vernis d’une vie ordinaire se cachait un huis clos oppressant. Dès son arrivée dans le foyer, en janvier 2016, la jeune fille est isolée, exploitée, puis progressivement broyée par une mécanique de domination et de manipulation psychologique. Elle n’est ni payée correctement, ni nourrie convenablement. Les voisins évoquent des cris, des sanglots étouffés, et le regard vide d’une jeune femme épuisée.
Mais le pire est encore à venir. Le couple, rongé par une paranoïa délirante, est convaincu que Sophie est l’instrument d’un complot ourdi par Mark Walton, ancien compagnon de Kouider et cofondateur du groupe Boyzone. Dans leur esprit malade, la jeune fille aurait pour mission de droguer la famille, d’abuser des enfants, d’espionner leur quotidien.
Commence alors une lente descente vers l’horreur. Sophie est soumise à une série d’interrogatoires filmés, d’une violence hallucinante. Les enregistrements, projetés lors du procès, montrent une jeune femme méconnaissable, amaigrie, terrorisée, balbutiant des aveux absurdes pour apaiser ses bourreaux. Puis, un jour, l’horreur atteint son paroxysme. Dans une mise en scène aussi cruelle que pathétique, la jeune fille est plongée dans une baignoire. Le couple la pousse à bout. Le supplice de l’eau devient un instrument de terreur. L’un ou l’autre finit par la noyer. Aucun ne reconnaîtra le geste fatal. Chacun accusera l’autre. Et tous deux nieront, jusqu’au bout, la préméditation.
Deux jours plus tard, dans une tentative désespérée d’effacer leurs traces, ils tentent de faire disparaître le corps. Mais la vérité ne se consume pas si facilement.
Lors du procès devant la cour de l’Old Bailey, les masques tombent. Sabrina Kouider, décrite comme une femme rancunière et dominatrice, souffre de troubles mentaux reconnus, mais jugés insuffisants pour expliquer une telle cruauté. Son compagnon, décrit comme faible et inféodé, n’en est pas moins complice. Les jurés, saisis d’effroi, rendent un verdict implacable.
Le 24 mai 2018, les deux accusés sont reconnus coupables de meurtre et d’obstruction à la justice. Le 26 juin, la sentence tombe : la prison à perpétuité, avec une peine de sûreté de trente ans. Sabrina Kouider sera internée dans un établissement psychiatrique sécurisé. Ouissem Medouni, lui, passera probablement le reste de sa vie derrière les barreaux.
Le juge Nicholas Hilliard, dans une déclaration d’une rare gravité, souligne que ni les troubles mentaux, ni les remords tardifs, ne sauraient atténuer la monstruosité des actes commis. Il évoque une victime « douce, aimable, incapable de violence », broyée par une logique de domination fondée sur une fiction délirante.



Tragique histoire. Certains ont perdu toute humanité s’ils en ont un jour eux .