C’est au petit matin du 7 juin 1987 que les pompiers interviennent sur une route isolée près de Ceilhes-et-Rocozels, dans l’Hérault, pour un accident de voiture. Une Austin Metro rouge est en flammes, son conducteur, Daniel Blouard, s’en est extrait et a donné l’alerte. À ses côtés, sur le siège passager, se trouve un corps entièrement carbonisé. Blouard prétend que son ami Yves Dandonneau, évanoui, n’a pu être extrait à temps.
L’identification du cadavre est rapidement confirmée par la compagne de Dandonneau, Marie-Thérèse Hérault, et sa secrétaire, Danièle Simonin. L’incinération est autorisée sans autopsie, conformément aux volontés supposées du défunt. Quelques semaines plus tôt, ce dernier avait souscrit huit contrats d’assurance-vie totalisant près de 12 millions de francs au profit de sa compagne.
L’affaire semble classée, l’accident attribué à un court-circuit, jusqu’à ce qu’une compagnie britannique, Yorkshire Insurance, remarque des anomalies dans le montage assurantiel. Un inspecteur, Bernard Gay, est envoyé pour enquêter. Ses premières conclusions soulèvent des doutes : la voiture roulait à faible allure, aucune trace de freinage, et le chemin emprunté ne justifie en rien une sortie de route.
Le doute se mue en certitude quand l’ALFA, cellule anti-fraude des assureurs, mandate un détective privé, Jean Porcer. Ce dernier relève que l’obstacle percuté aurait difficilement pu l’être sans volonté délibérée. Sur son rapport, une plainte est déposée le 12 août 1987, et le juge Claudine Laporte saisit la section de recherche de la gendarmerie de Montpellier.
Les investigations prennent un tournant décisif lorsque des prélèvements sur l’épave permettent de reconstituer une mâchoire qui ne correspond pas aux radiographies dentaires de Dandonneau. Ce dernier est donc vivant, et le cadavre n’est pas le sien.
L’enquête s’accélère : deux jours après l’ouverture officielle de la procédure, la police intercepte Marie-Thérèse Hérault, Danièle Simonin et son mari en train de retirer plus de deux millions de francs en liquide. Grâce à des écoutes, Dandonneau est localisé et arrêté le 15 janvier 1988 dans une villa du Rouret, près de Cannes, où il vivait sous une fausse identité, après plusieurs opérations de chirurgie esthétique.
Il finit par avouer avoir organisé toute l’affaire avec l’aide de Blouard et d’un autre complice, François Meunier. N’ayant pu voler un cadavre à l’hôpital, le trio a attiré Joël Hipeau, un marginal cultivé, avec la promesse d’un voyage en Provence. Après l’avoir fait boire, ils l’ont installé inconscient dans la voiture, avant de la précipiter contre un rocher et d’y mettre le feu.
Le procès s’ouvre à Montpellier en octobre 1992. À la barre, Maître Dupond-Moretti défend la mémoire de Joël Hipeau, victime réduite à l’état de « déchet humain » par Dandonneau. Le verdict tombe le 16 octobre : Yves Dandonneau est condamné à 20 ans de réclusion criminelle, Blouard à 14 ans, Meunier à 9, tandis que les deux femmes écopent de peines avec sursis.
Derrière cette escroquerie glaçante, se cache l’histoire tragique d’un homme sacrifié sur l’autel de la cupidité. Yves Dandonneau, libéré en novembre 2001, aura tout perdu, sauf la froide mécanique de son plan macabre.


