Dans la chaleur lourde d’un après-midi de juillet 2012, la petite commune de Bozel en Savoie voit sa quiétude brutalement brisée. Dans le vaste chalet familial, Jordan Lenisa, 23 ans, abat froidement son frère Benjamin, 17 ans, d’une balle dans la tête, avant de faire feu sur son cadet Victor, à la veille de ses huit ans. Dans sa tenue de cycliste, Florent Lenisa, le père, est lui aussi exécuté à son retour, dans une scène d’une violence inexprimable.
La mère, Murielle, entre à son tour dans la maison, ignorant l’horreur qui s’y est déroulée. Son fils l’agresse, tentant de l’étrangler, de l’étouffer avec des coussins, puis la frappe au visage avec une bûche. Grièvement blessée mais animée d’un instinct de survie, elle parvient à s’échapper pour alerter les gendarmes. Dans les heures qui suivent, le périmètre est bouclé. À l’intérieur, les enquêteurs découvrent une arme automatique de calibre 6,35 mm, étrangère à la famille. Le scénario de la préméditation émerge très vite, renforcé par les recherches internet effectuées par Jordan sur la létalité des tirs à la tête.
Conduit à la gendarmerie d’Albertville, Jordan Lenisa reste mutique ou évasif au cours de ses premières auditions. Il admet les faits mais évoque des « voix » et un sentiment de haine envers son père, qui, selon lui, le « rabaissait sans cesse ». L’expertise psychiatrique commandée par le parquet de Chambéry conclut à une altération du discernement, mais écarte l’irresponsabilité pénale. Les jours suivants, les témoignages des proches dressent le portrait d’un jeune homme perturbé, menteur invétéré, flambeur accro aux jeux en ligne, déconnecté de la réalité familiale. Les tensions avec son père, homme d’affaires prospère, s’étaient cristallisées autour du travail et de l’argent.
À l’automne 2015, trois ans après la tragédie, la cour d’assises de Savoie s’ouvre sur un procès glaçant. Jordan, le regard noir et les épaules affaissées, reconnaît les meurtres mais nie avoir voulu tuer sa mère. Les débats explorent le mobile financier, pointé du doigt par la mère et la sœur de l’accusé : « Il en voulait toujours plus », accuse Charlène Lenisa.
À la barre, l’avocat général évoque un « dossier qui confond d’horreur et d’incompréhension », avant de requérir 30 ans de réclusion criminelle. Mais tenant compte de son jeune âge et de ses troubles psychiques, la peine finalement prononcée est de 20 ans de réclusion criminelle, assortie d’une période de sûreté de 13 ans. Tout au long des audiences, Jordan s’enferre dans des contradictions, entre aveux bancals et tentatives de minimisation. Lors de ses dernières paroles, il demande un pardon timide à sa mère et à sa sœur, sans réussir à dissiper l’impression d’un gouffre insondable entre lui et ses victimes.


