Dans le calme trompeur de la banlieue parisienne, une femme à l’allure discrète dissimulait un passé aussi opaque que dangereux. Rodica Negroiu, immigrée roumaine installée en France depuis le début des années 1980, menait une existence en apparence sans remous à Argenteuil, jusqu’à ce que des soupçons glaçants viennent fissurer le vernis.
Tout débute en 1982, en Roumanie, lorsque Herman Goldstein, son premier mari, succombe subitement à ce qui fut qualifié de crise cardiaque. À l’époque, aucune enquête médico-légale approfondie n’est engagée. Le drame semble isolé, sans écho immédiat. Trois ans plus tard, à Nancy, Gérard Helluy, son second époux, décède à son tour dans des conditions jugées naturelles. Pourtant, une autopsie tardive, réalisée quatre ans après, révélera des doses anormales de digoxine, un médicament à effet potentiellement mortel en cas de surdosage.
En 1990, Rodica s’installe auprès de Raymond Jactel, un octogénaire à la santé fragile, domicilié à Vandœuvre-lès-Nancy. Leur relation intrigue rapidement les voisins. L’homme s’affaiblit, s’isole, et finit par mourir dans son sommeil. Mais cette fois, une analyse toxicologique détecte un cocktail de digoxine et de phénobarbital. Dans l’ombre, un schéma criminel commence à se dessiner. Les proches des victimes alertent discrètement les autorités, ébranlés par la similitude des destins. L’image de Rodica se fissure tandis que l’enquête s’intensifie.
Le véritable choc survient à la fin de l’année 1990, lorsqu’une plainte anonyme mène la police dans l’appartement de Rodica, à Argenteuil. Une odeur de décomposition alerte les enquêteurs, qui découvrent le corps dissimulé de Viorica, une compatriote roumaine avec laquelle Rodica entretenait une relation houleuse.
Face aux investigateurs, Rodica bafouille, se contredit. Les documents falsifiés retrouvés chez elle dévoilent une tentative d’usurpation d’identité visant à détourner les revenus de la défunte. L’étau judiciaire se resserre. Les témoignages recueillis par la police judiciaire dressent le portrait d’une manipulatrice habile, exploitant les failles de ses victimes avec un sang-froid méthodique. Des experts en criminologie évoquent une montée progressive vers le passage à l’acte, motivée par l’avidité et la solitude.
Inculpée pour meurtres avec préméditation, Rodica Negroiu nie en bloc. Le procès, ouvert en 1999, s’appuie sur une accumulation de preuves accablantes et de récits poignants. La défense peine à convaincre le jury populaire, tant l’enchevêtrement des faits est implacable. Le verdict tombe : vingt ans de réclusion criminelle. Une peine lourde, reflet d’un parcours entaché par la mort et la duplicité. Rodica purgera sa peine avant d’être libérée en 2015.
