Sous le voile glacé d’un hiver new-hampshireien, dans le paisible hameau d’Etna, la demeure des professeurs Half et Susanne Zantop semblait, ce 27 janvier 2001, prête à s’emplir de rires et de discussions érudites. Universitaires respectés de Dartmouth College, le couple incarnait l’élégance discrète de ceux pour qui savoir et générosité vont de pair. Ce samedi après-midi, deux adolescents venus du Vermont, Robert Tulloch et James Parker, sonnèrent à leur porte, brandissant le prétexte d’une enquête écologique de pure invention. Derrière leurs mines juvéniles se dissimulait un projet macabre : trouver des fonds pour fuir vers l’Australie en semant la mort.
Accueillis dans la chaleur rassurante du salon, les visiteurs engagèrent la conversation. La rencontre, d’apparence anodine, bascula lorsque Half, décelant leur amateurisme, formula une remarque sèche. Dans un éclat de violence, Tulloch tira un couteau SOG, frappant Half avec une brutalité méthodique. À l’instant où Susanne surgit depuis la cuisine, Parker, hésitant, céda sous l’impulsion de son complice et l’attaqua à son tour.
Le carnage fut aussi rapide que silencieux. Les deux savants gisaient, sans vie, sur le sol de leur propre maison, tandis que les adolescents, au pas précipité, s’emparaient de 340 dollars. Ils abandonnèrent derrière eux des empreintes ensanglantées et des étuis de couteaux — autant d’indices criants pour les yeux exercés de la police d’État du New Hampshire. Ce fut une amie fidèle, venue partager le repas promis, qui découvrit l’horreur en pénétrant dans la maison assombrie. À son appel paniqué, la police dépêcha ses enquêteurs, lesquels, dans le silence pesant des lieux, décelèrent très vite les traces du crime : sang, désordre, et un chaos qui parlait d’une lutte brève mais désespérée.
L’enquête, méthodique, s’attacha aux moindres détails. Les empreintes digitales, croisées avec des témoignages et des signalements, remontèrent jusqu’à Tulloch et Parker. Leurs alibis, friables comme du papier mouillé, ne résistèrent pas aux premières questions. Bientôt, les deux fugitifs s’évanouirent dans la nature, laissant derrière eux une simple note : « Ne prévenez pas la police. »
La traque s’intensifia. Les jours passaient, lourds d’angoisse, jusqu’à ce qu’un routier, intrigué par le comportement nerveux de deux auto-stoppeurs rencontrés dans l’Indiana, alerte les autorités. Une opération conjointe permit leur arrestation, mettant un terme à leur cavale avant qu’ils ne franchissent de nouvelles frontières.
Traduit devant la justice, Tulloch fut inculpé de meurtre au premier degré, sans espoir de clémence. Parker, plus malléable, négocia sa peine en acceptant de témoigner contre son camarade, écopant d’une sentence de 25 ans à perpétuité avec possibilité de libération conditionnelle. Au tribunal, le contraste frappa : le mutisme glacial de Tulloch, son regard vide, se heurta aux larmes de Parker, soulignant la dynamique trouble du duo. Le premier fut condamné à la prison à vie sans libération, scellant un destin d’ombre et de murs.
Les années filèrent. Derrière les barreaux, Parker chercha la rédemption à travers l’éducation et l’art. En avril 2024, libéré sous conditions après vingt-trois ans de détention, il retrouva un monde qui avait changé sans lui. Son retour suscita autant d’indignation que de compassion. Tulloch, quant à lui, attend aujourd’hui un réexamen de peine, à la faveur d’une décision de la Cour suprême déclarant inconstitutionnelle la perpétuité automatique pour les mineurs. Entre espoir ténu et peur viscérale, la communauté retient son souffle.


