Sous la lumière blafarde d’Anchorage, en Alaska, une série de disparitions inquiétantes commence à agiter la communauté locale au début des années 1980. Des jeunes femmes, pour la plupart prostituées ou danseuses de cabaret, cessent mystérieusement de donner signe de vie. Les autorités, d’abord peu alarmées, peinent à relier les affaires entre elles, en raison du profil marginalisé des victimes.
Mais en septembre 1982, une adolescente de 17 ans, Cindy Paulson, parvient à échapper à son ravisseur. Menottée et terrorisée, elle se réfugie dans un hôtel et alerte la police. Son récit glaçant désigne un homme méthodique, au regard froid, qui l’a emmenée de force dans une petite cabane isolée en pleine forêt, après avoir tenté de l’embarquer à bord d’un avion privé. Elle donne un nom : Robert Hansen.
Cet homme discret, boulanger réputé de la ville, père de famille, cache un passé troublé. Déjà condamné dans les années 70 pour tentative de viol et pyromanie, il est néanmoins resté en liberté. Les enquêteurs, d’abord sceptiques, procèdent à une discrète surveillance de ses mouvements. Quelques semaines plus tard, les fouilles dans la cabane mentionnée par Cindy révèlent des éléments accablants : menottes, armes, et objets féminins. Un mandat de perquisition conduit les agents à son domicile, où ils découvrent une cachette soigneusement dissimulée contenant une carte annotée de la région. Sur celle-ci, des croix rouges semblent marquer des emplacements spécifiques dans la toundra.
Les autorités lancent alors une série de recherches aériennes et terrestres. Dans les zones indiquées par la carte, les enquêteurs exhument plusieurs cadavres en état de décomposition avancée. L’un d’eux est formellement identifié : il s’agit de Joanna Messina, portée disparue depuis un an. L’ampleur de l’affaire devient dès lors incontestable.
Confronté à l’accumulation de preuves matérielles, Hansen finit par craquer sous la pression. Il avoue avoir traqué ses victimes dans la nature sauvage, les relâchant parfois pour mieux les chasser ensuite, armé de son fusil. Ce mode opératoire, glaçant de préméditation, évoque les jeux cruels d’un prédateur en terrain conquis. Les récits de ses meurtres s’étendent sur plus d’une décennie. Au total, Hansen avoue avoir tué entre 17 et 21 femmes, bien que certaines sources évoquent un bilan encore plus lourd. Les restes de plusieurs victimes ne seront jamais retrouvés.
Le procès, tenu en 1984, se déroule dans un climat pesant. Les témoignages de survivantes, les rapports d’experts médico-légaux, et les aveux du tueur dressent le portrait d’un homme double, entre banalité quotidienne et monstruosité calculée. Hansen est condamné à 461 ans de prison sans possibilité de libération conditionnelle. Incarcéré au pénitencier de Spring Creek, il meurt en 2014 de causes naturelles, emportant avec lui les secrets de certaines de ses proies. Aujourd’hui encore, son nom reste gravé dans la mémoire collective comme celui du « Boucher de l’Alaska », incarnation glaçante d’un mal tapi sous les apparences ordinaires.


