L’histoire débute dans l’ombre et la solitude des routes, là où l’errance croise parfois le destin. Michel Peiry, figure lisse en apparence, dissimulait derrière son regard calme les instincts d’un prédateur méthodique. Entre 1981 et 1987, la Suisse, et au-delà, l’Europe, furent le théâtre d’une série de crimes aussi silencieux que macabres, ciblant de jeunes hommes en quête de voyage et de confiance.
Son premier forfait, dont les contours restent aujourd’hui encore partiellement voilés, remonterait à septembre 1981, lors d’un séjour aux États-Unis. Un jeune Canadien, prénommé Sylvestre, disparaît alors mystérieusement. Peiry en parle, confesse, se rétracte, puis avoue à nouveau. Les mensonges s’entrelacent à la vérité, instaurant dès le début une atmosphère d’incertitude troublante.
Au fil des années, les meurtres s’enchaînent, suivant un rituel presque clinique. En février 1984, près d’Annecy, un jeune homme prénommé Frédéric est tué. Le mode opératoire est glaçant : séduction, agression sexuelle, meurtre, puis crémation du corps. Peiry nettoie tout, comme s’il voulait effacer jusqu’à la moindre trace d’existence de ses victimes.
En juin 1985, pour la seule fois, il s’en prend à une femme : une certaine Anne-Laure, ou Anne-Fleur, selon ses propres versions changeantes, qu’il assassine brutalement dans les étendues désertes de la Camargue. Puis il reprend sa trajectoire meurtrière vers ses cibles masculines, jeunes, souvent auto-stoppeurs.
Le 7 mai 1986, il frappe en Suisse pour la première fois. Le corps calciné d’un adolescent, Cédric, est retrouvé à Albinen, dans le Valais. Cette découverte marquera un tournant : le « Sadique de Romont » tue désormais chez lui. Quelques mois plus tard, en août, un autre jeune, Fabio V., est retrouvé mort dans le Tessin, victime d’un scénario identique.
Le monstre poursuit sa route en silence. Il tue à l’étranger, notamment à Rijeka en Yougoslavie et dans la région de Côme, en Italie. Mais chaque fois, ses récits sont ambigus, comme s’il cherchait à semer le doute dans l’esprit des enquêteurs. À Neuchâtel, en novembre 1986, sa violence atteint un paroxysme. Yves Ath, une de ses proies, survit miraculeusement à une agression atroce. Grâce à lui, une brèche s’ouvre dans le masque de Peiry.
Mars 1987 : le Valais découvre un nouveau corps, calciné une fois encore. Vincent, un adolescent, rejoint la liste des victimes. L’horreur devient répétitive, presque rituelle. La Suisse commence à frissonner. Mais c’est en avril 1987 que le destin s’inverse. Un jeune de 16 ans, prénommé Thomas, échappe de peu à la mort. Il réussit à fuir son agresseur, encore menotté, et donne l’alerte. Son témoignage précis permet à la police d’établir un portrait-robot et d’identifier le véhicule de l’agresseur. La traque commence.
Le 1er mai 1987, Michel Peiry est arrêté à Schangnau, alors qu’il assiste à un cours de répétition militaire. L’homme qui avait si bien su dissimuler ses pulsions derrière une façade de normalité tombe enfin. Condamné à la prison à perpétuité, il purge depuis sa peine dans un établissement de haute sécurité. Ses demandes de libération conditionnelle, notamment en 2002 et 2009, ont été rejetées, les experts considérant sa dangerosité comme intacte.
