Dans les méandres sombres de Minneapolis-Saint Paul, au début des années 1980, une voix brisée, presque plaintive, surgit au téléphone pour avertir les forces de l’ordre. Elle pleure, gémit, supplie. Ce n’est pas la voix d’une victime… mais celle d’un meurtrier. C’est ainsi que naît la légende sinistre du « tueur à la voix larmoyante », un fantôme pathétique et cruel qui va ensanglanter le Minnesota.
La nuit du Nouvel An 1980 bascule dans l’horreur lorsqu’une jeune femme de 20 ans, Karen Potack, est retrouvée inerte près d’une voie ferrée à Saint Paul. Battue avec une barre de fer, elle gît nue, le crâne fracassé. Peu après, un appel anonyme signale sa présence avec des sanglots étouffés : « Il y a une fille… elle souffre… » Aucun nom, mais déjà une signature sonore glaçante.
Six mois passent. Un autre appel. Une autre femme. Kimberly Compton, à peine 18 ans, est retrouvée poignardée à soixante-et-une reprises. Le tueur téléphone encore. Il gémit, demande pardon, dit qu’il ne voulait pas. Mais ses sanglots ne sont que les larmes d’un prédateur rongé de contradictions, qui frappe encore, inlassablement.
Puis le silence… jusqu’à l’été 1982. Une femme, Kathleen Greening, est découverte noyée dans sa baignoire. Pas d’appel cette fois. Mais l’étrange sérialité des crimes intrigue les enquêteurs. Des femmes, seules, attaquées brutalement. L’ombre d’un lien plane, mais reste insaisissable.
Quelques semaines plus tard, un nouveau cri s’élève dans la nuit. Barbara Simons, infirmière de 40 ans, confie à une serveuse qu’un homme rencontré dans un bar la raccompagne. Le lendemain, son corps est retrouvé sur les berges du Mississippi, lardé de plus d’une centaine de coups de couteau. Le tueur reprend le téléphone, en larmes : « Je l’ai tuée… Je ne peux pas m’arrêter… » Son angoisse semble réelle. Sa sauvagerie, elle, ne connaît aucune limite.
Mais le monstre va bientôt commettre une erreur. Le 21 août 1982, il tente d’attaquer Denise Williams, une jeune travailleuse du sexe. Cette fois, la proie se débat avec une rage désespérée. Armée d’une bouteille, elle parvient à le blesser à la tête. Alerté par ses cris, un riverain surgit et fait fuir l’agresseur, couvert de sang. L’homme cherche alors des soins médicaux… et déclenche sa propre chute.
Les forces de l’ordre identifient bientôt le suspect : Paul Michael Stephani, 38 ans, ouvrier du bâtiment, au visage banal mais à la voix… terriblement familière. Les enregistrements téléphoniques sont formels. C’est lui, l’homme qui pleure après avoir tué.
Issu d’une fratrie nombreuse et élevé dans un foyer violent, Stephani porte en lui les stigmates d’une enfance fracassée. Il est reconnu coupable du meurtre de Simons et de la tentative sur Williams, et condamné à 58 ans de prison.
Pourtant, l’histoire ne s’arrête pas là. Quinze ans plus tard, rongé par un cancer de la peau en phase terminale, Stephani demande à parler. Dans un ultime aveu, il confesse trois autres crimes : les meurtres de Compton, de Greening, et l’agression de Potack. Une confession tardive, peut-être sincère, peut-être intéressée. Mais une vérité que les familles attendaient.
Le 12 juin 1998, Paul Michael Stephani meurt derrière les barreaux. Avec lui s’éteint cette voix tremblante qui implorait qu’on l’arrête, tout en continuant de tuer. Un tueur en proie à ses démons, incapable de fuir sa propre noirceur.


