Les vastes étendues sauvages du parc provincial Wells Gray, en Colombie-Britannique, recèlent bien des merveilles naturelles. Mais l’été 1982, ce sanctuaire de nature devient le théâtre d’une tragédie glaçante dont l’écho continue, plus de quarante ans plus tard, à hanter la mémoire collective canadienne.
Une famille ordinaire, en apparence sans histoires, entreprend un séjour de camping dans la vallée de Clearwater. Bob et Jackie Johnson, leurs deux filles Janet et Karen, ainsi que les parents de Jackie, George et Edith Bentley, plantent leur campement dans ce coin isolé du pays. Rien ne laisse présager que cette escapade en pleine nature sera leur dernière.
Le 6 août, Edith passe un coup de fil à l’une de ses filles. Ce sera le dernier signe de vie. Les jours passent, et personne ne s’inquiète vraiment, jusqu’à ce que Bob Johnson ne se présente pas à son travail, dix jours plus tard. Ce geste inhabituel, pour un homme aussi ponctuel et fiable, sonne l’alarme. La police est alertée. Une enquête est lancée, dirigée par la Gendarmerie royale du Canada.
Ce n’est que le 13 septembre qu’un premier indice macabre surgit. Un cueilleur de champignons fait une découverte sinistre : un véhicule calciné abandonné près d’un chemin forestier de Battle Mountain. À l’intérieur, les enquêteurs exhument six corps carbonisés. Les quatre adultes sont retrouvés à l’avant du véhicule, tués d’une balle, probablement à bout portant. Les deux filles, Janet et Karen, gisent dans le coffre. La scène est d’une cruauté absolue.
Le choc est national. La région est secouée. L’enquête se heurte cependant à une énigme criminelle des plus déroutantes. Aucun mobile évident. Aucun témoin. Aucun suspect. En 1983, la GRC redouble d’efforts. Une reconstitution du crime est diffusée à la télévision. Un camping-car identique à celui des victimes sillonne le pays pour raviver les mémoires. L’émotion est forte, mais les pistes restent froides.
L’affaire semble au point mort… jusqu’à une nouvelle découverte, en octobre. Sur une route forestière oubliée, non loin du parc, on retrouve le camping-car manquant. Lui aussi a été incendié. Cette trouvaille redonne de l’espoir aux enquêteurs : le meurtrier connaissait forcément les lieux. Le filet commence à se resserrer.
Un mois plus tard, l’homme qui a ôté six vies est enfin identifié. David William Shearing, un jeune mécanicien de 24 ans, originaire de Clearwater, est arrêté. À première vue, rien ne le distingue. Et pourtant, derrière cette façade banale, se cache un prédateur méthodique.
Au printemps suivant, Shearing avoue tout. Il plaide coupable et écope de la peine maximale : la prison à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant vingt-cinq ans. Le juge qualifie ses actes de « froids et insensés », soulignant l’anéantissement en une nuit de trois générations d’une même famille.
Ce que Shearing révèle ensuite glace encore davantage le sang. Il confesse avoir repéré la famille, puis tué les adultes le 10 août à l’aide d’une carabine Remington. Mais les fillettes, il ne les tue pas immédiatement. Pendant une semaine, il les garde prisonnières. Il viole l’aînée, Janet. Il tue Karen le 16 août, Janet le jour suivant. Ensuite seulement, il tente d’effacer les traces du carnage par le feu.
Aujourd’hui, Shearing se fait appeler David Ennis. Depuis 2008, il multiplie les demandes de libération conditionnelle, toutes refusées. Les experts notent l’absence de réelle thérapie, l’absence de remords, et des fantasmes violents toujours présents. Les familles, elles, refusent d’oublier. Elles revivent l’horreur à chaque audience, déterminées à empêcher sa sortie.
