Tout commence par un vol énigmatique : une Peugeot 504 dérobée en mai 1978 est retrouvée abandonnée au carrefour des Ripailles, en pleine forêt de Chantilly. À son bord, un plan détaillé pour le braquage de la poste de Pierrefonds, accompagné d’objets inquiétants, étuis de cartouches, seringue, cordelette, qui laissent penser à une organisation criminelle. Très vite, ces indices sont reliés à une série d’actes violents, notamment la tentative d’assassinat de Karine Grospiron, 17 ans, à Pont-Sainte-Maxence, puis à l’explosion d’une voiture piégée à Creil, blessant un gardien de la paix.
Le criminel multiplie les provocations et adresse aux forces de l’ordre des lettres revendicatives. Deux femmes sont violemment agressées, l’une restera paralysée. En novembre 1978, il braque la poste de Senarpont et piège une nouvelle voiture volée. L’horreur atteint son paroxysme le 1er décembre 1978 : une jeune auto-stoppeuse, Yolande Raszewski, 19 ans, est froidement exécutée à Chantilly de plusieurs balles de Beretta 9 mm.
Quelques semaines plus tard, le 29 décembre, une nouvelle victime est gravement blessée à Compiègne. Sortie du coma, elle contribue à affiner un portrait-robot qui met les enquêteurs sur la piste d’un visage familier. L’individu semble connaître les méthodes policières sur le bout des doigts. Le commandant Jean Pineau, intrigué par la précision quasi administrative des lettres du tueur, suspecte qu’il puisse s’agir d’un membre des forces de l’ordre, une hypothèse que la hiérarchie refuse d’envisager.
Le 17 mars 1979, après avoir volé une voiture ministérielle et s’être fait passer pour le fils du propriétaire auprès des CRS, le tueur échappe de peu à l’arrestation. Le doute devient certitude lorsque l’inspecteur Daniel Neveu, aidé du maréchal-chef Morel, recoupe divers éléments troublants : des coïncidences d’emplois du temps, des analyses graphologiques, et des ressemblances criantes entre les lettres du tueur et des documents écrits par le gendarme Alain Lamare.
Le 8 avril 1979, sous un faux prétexte d’enquête, Lamare est convoqué à la gendarmerie. Tentant de sortir une arme cachée, il est neutralisé par ses collègues. Il n’a que 23 ans, et jusqu’ici, il participait activement aux recherches contre… lui-même, n’hésitant pas à qualifier le tueur de « salaud ».
L’enquête révèle un profil complexe : Lamare est fasciné par les armes et les tueurs en série, notamment Marcel Barbeault. Il souffre de troubles mentaux sévères, consomme excessivement de l’alcool, et laisse volontairement des indices pour être démasqué. La perquisition de son logement livre des preuves accablantes. Finalement, il avoue tout en garde à vue.
Déclaré pénalement irresponsable en raison d’une héboïdophrénie, une forme rare de schizophrénie, Alain Lamare ne sera jamais jugé. Il est interné dans une unité pour malades difficiles jusqu’en 2011, puis transféré dans le Pas-de-Calais. L’État français, reconnu responsable à travers l’arme fournie par un collègue, est condamné à indemniser la famille de la victime. L’affaire du « tueur de l’Oise » reste à ce jour l’un des scandales les plus saisissants de l’histoire contemporaine de la gendarmerie française.


