Le matin du 13 juillet 1988, un silence étrange règne sur la maison bourgeoise des Soubie, à Huos, un paisible village du Comminges. Lorsqu’Henri-Jean Jacomet, ouvrier de 25 ans, entre dans la demeure de ses beaux-parents à la recherche de sa femme, il découvre l’insoutenable. Fabienne, sa compagne de vingt ans, gît au sol, le corps mutilé. Les secours arrivent trop tard. L’horreur s’accentue avec la découverte de deux autres corps : Joëlle, la sœur de Fabienne, est tuée à coups d’arme blanche ; Fernando Rodrigues, son mari, est retrouvé mort dans le cellier, un fusil encore entre ses mains.
Les premières constatations policières concluent à un double meurtre suivi d’un suicide. L’affaire semble résolue en quelques semaines, et Henri-Jean Jacomet, anéanti, est écarté de tout soupçon. Pourtant, un grain de sable va tout enrayer. Persuadée que son fils n’a pu se suicider, la mère de Fernando dépose plainte, suggérant que Jacomet aurait tué par jalousie.
À partir de ce moment, l’homme endeuillé devient le suspect principal. Il est placé en détention durant près d’un an. Lors de son procès en 1995, l’accusation s’appuie sur des hypothèses fragiles : Jacomet aurait eu du sang sur lui s’il avait tué, et Fernando n’aurait pas pu actionner seul la gâchette du fusil. Mais les jurés acquittent Jacomet, ébranlés par des preuves contradictoires.
Trois ans plus tard, l’affaire rebondit. À la demande des familles, une nouvelle commission rogatoire est ouverte. Michel Roussel, maréchal des logis-chef expérimenté, décide de reprendre tout depuis le début. Grâce aux progrès de l’analyse ADN et à un examen minutieux des scellés, l’équipe révèle des erreurs majeures. Le sang de Fernando est bien mélangé à celui des victimes sur ses vêtements. Il aurait pu se suicider en fléchissant les genoux, arme entre les jambes.
Après seize mois de travail, le laboratoire d’hématologie de Bordeaux conclut que Fernando Rodrigues a très probablement tué les deux femmes avant de se donner la mort. Le doute n’est plus permis : Henri-Jean Jacomet est définitivement innocenté.
Mais cette vérité judiciaire n’apaise pas les blessures. À Huos, les parents Soubie, qui n’ont jamais quitté la maison du drame, continuent de désigner Jacomet comme le coupable. Lorsqu’il revient vivre auprès de ses parents, le village se divise. Des tracts anonymes, des menaces de mort, le harcèlement silencieux reprennent. Henri-Jean Jacomet, désormais commerçant ambulant, tente de se reconstruire. Mais le poids des années passées à se défendre, l’opprobre attachée à son nom, et le refus obstiné de certains de reconnaître son innocence, ne s’effacent pas. « Je suis innocent. Définitivement », martèle-t-il, résigné mais debout.


