Tout commence à l’aube du 21 mars 1991, quand Jean-Louis Turquin, vétérinaire niçois de 41 ans, signale aux autorités la disparition soudaine de son fils de huit ans, Charles-Édouard Turquin, depuis la vaste propriété familiale perchée sur les hauteurs de Nice. Les premières recherches menées autour de la « Bastide haute » ne donnent rien : aucun objet personnel ne manque et l’odorat des chiens policiers perd la trace de l’enfant juste devant le portail.
Rapidement, les enquêteurs écartent l’idée d’une fugue. Le contexte familial est explosif. Jean-Louis et Michèle Turquin, en instance de divorce, s’opposent avec violence, notamment depuis que le père a appris, à la suite d’analyses génétiques, qu’il n’était pas le géniteur de l’enfant. Menaces, disputes, harcèlement : le climat est délétère et la tension atteint son paroxysme à la veille de la disparition, lorsqu’il impose à son épouse un ultimatum expirant à minuit. Quelques semaines plus tard, Michèle livre à la police judiciaire ses soupçons et présente des enregistrements accablants. Le 6 mai 1991, au cours d’une relation intime piégée par un magnétophone, Jean-Louis avoue, dans un chuchotement glaçant, avoir étranglé son fils pour éviter le sang. Ces propos enregistrés deviennent une pièce maîtresse de l’instruction, et le vétérinaire est inculpé d’assassinat avant d’être écroué le 13 mai.
Libéré sous contrôle judiciaire en février 1992, Jean-Louis Turquin mène une contre-offensive médiatique : affiches de récompense, détectives privés, et une enquête parallèle en Israël, où des témoins affirment avoir vu l’enfant. Mais les investigations internationales tournent court et ne produisent aucun élément tangible. Le 24 décembre 1993, l’affaire prend un tour encore plus mystérieux : Moïse Ber Edelstein, supposé père biologique de Charles-Édouard, est retrouvé noyé dans des circonstances troublantes au port de Nice, vêtu de cuissardes. L’enquête s’enlise.
En mars 1997, l’ouverture du procès devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes relance l’affaire. L’accusé est défendu par des avocats de renom, dont le maire de Nice. Les débats s’articulent autour de la personnalité complexe de Turquin, des enregistrements accablants et d’une piste israélienne jugée trop fragile. Le 21 mars 1997, il est condamné à vingt ans de réclusion criminelle. Malgré plusieurs tentatives de révision, y compris une piste signalée dans une école rabbinique de Jérusalem, la justice reste sourde. En 2003, un détenu évoque un accident mortel dissimulé, mais refuse de coopérer sans contrepartie, jetant le doute sur la crédibilité de son témoignage.
Jean-Louis Turquin est libéré sous condition en juillet 2006, après quinze ans d’incarcération. Il part s’installer à Saint-Martin avec Nadine, son épouse rencontrée en détention. Sa vie semble s’être reconstruite, loin du tumulte judiciaire. Mais le 7 janvier 2017, le passé le rattrape : Jean-Louis est retrouvé abattu d’une balle dans le dos, sur le sol de sa chambre. Le climat local évoque un cambriolage, mais d’autres parlent de vengeance.
Peu après, Nadine Turquin est mise en examen pour meurtre, avant d’être finalement blanchie. En 2020, elle bénéficie d’un non-lieu, tandis que le mystère de la disparition de Charles-Édouard reste entier, suspendu quelque part entre hypothèse criminelle, faux espoirs et silence éternel.


