Dans le calme apparent de Medicine Hat, une petite ville de l’Alberta, quelque chose d’indicible couvait derrière les murs d’une maison banale du quartier de Ross Glen. Ce dimanche d’avril 2006, alors que les volets filtrent encore la lumière matinale, un jeune garçon vient frapper chez son camarade Tyler Richardson. Personne ne répond. Curieux, il jette un œil par la fenêtre et aperçoit l’horreur : deux corps inertes gisent dans une mare de sang.
Lorsque les premiers agents de la police franchissent la porte, le silence de mort qui les accueille est aussi glacial que les scènes qu’ils découvrent. Au sous-sol, Marc et Debra Richardson ont été sauvagement poignardés. À l’étage, dans sa chambre d’enfant, le petit Tyler, huit ans, repose sans vie. Il a été tué dans son sommeil.
Mais un détail intrigue aussitôt les enquêteurs : la fille aînée de la famille, Jasmine Richardson, douze ans à peine, a disparu. L’hypothèse d’un enlèvement plane, mais elle ne résiste pas longtemps à l’examen minutieux des indices. Le casier de l’adolescente, retrouvé à l’école, contient un dessin glaçant : sa famille y est représentée assassinée. Le lendemain, la jeune fille est retrouvée saine et sauve à une centaine de kilomètres, dans une petite localité du nom de Leader, en Saskatchewan. À ses côtés, un homme de 23 ans, au regard sombre et au discours délirant : Jeremy Steinke, son petit ami secret. Le duo est arrêté sans résistance.
Ce que la brigade criminelle met alors au jour dépasse l’imagination. Jasmine et Jeremy s’étaient rencontrés quelques mois auparavant sur un forum gothique. Elle, élève studieuse et timide ; lui, marginal se disant loup-garou immortel, amateur de sang et admirateur déclaré du film Natural Born Killers. Ensemble, ils formaient un couple fusionnel et toxique, nourri de fantasmes macabres.
Les parents de Jasmine, inquiets, avaient tenté de briser cette relation. Leur refus devint, pour les amants, un obstacle à éliminer. « J’ai un plan. Il commence par les tuer », écrit un jour Jasmine dans un message intercepté plus tard par la cybercriminalité. La nuit du 22 avril, elle laisse volontairement une fenêtre ouverte. Jeremy entre. Debra est attaquée la première, suivie de Marc, qui se battra jusqu’au bout. Le petit Tyler sera le dernier. Les experts diront plus tard qu’il n’a probablement pas eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait.
Le procès qui s’ouvre en 2007 passionne l’opinion et glace les observateurs. Jasmine, mineure, échappe à la prison à vie. Elle est condamnée à dix ans, soit la peine maximale prévue par le système judiciaire canadien pour un enfant de son âge. Jeremy, lui, est reconnu coupable de trois meurtres au premier degré et écope de la perpétuité, sans possibilité de libération avant vingt-cinq ans. Derrière les murs du tribunal, l’affaire soulève des débats troublants. Jusqu’où une adolescente influençable peut-elle être tenue pour responsable ? Peut-on aimer quelqu’un au point de tuer pour lui ? Peut-on, surtout, se racheter d’un tel crime ?
En 2016, Jasmine Richardson est libérée, après avoir terminé sa peine. Le juge déclare, au moment de la levée des conditions de sa surveillance : « Vos parents seraient sans doute fiers de vous aujourd’hui. » La formule, étrangement douce, laisse certains perplexes.


