Le calme apparent du mas des Alessandri, perdu entre les vergers du Vaucluse, va basculer en cauchemar. Cette nuit-là, au cœur du mois de juillet 2000, un coup de feu retentit dans l’obscurité. Richard Alessandri, 42 ans, est retrouvé mort dans son lit, le crâne transpercé. À ses côtés, Edwige Alessandri, sa femme, hagarde et couverte de sang, parle d’un cambriolage violent. Mais très vite, le doute s’infiltre dans les moindres recoins du récit.
Les premiers regards des gendarmes laissent planer le doute. Aucune trace d’effraction. Les objets de valeur, soigneusement disposés, n’ont pas été touchés. La fenêtre censée avoir permis l’intrusion est obstruée par des pots de fleurs trop lourds pour avoir été déplacés à la hâte. L’ensemble dégage une impression troublante d’ordre, presque trop parfaite pour être honnête. Très vite, les enquêteurs s’interrogent. Pour atteindre la chambre à coucher, il faut passer par la salle de bain, un détail qui n’aurait pu échapper qu’à quelqu’un ignorant la disposition des lieux. Ce raffinement dans l’itinéraire, combiné à des incohérences dans les témoignages d’Edwige et de ses deux fils, Yohann et Brice, fait vaciller le scénario initial. Le vernis d’un cambriolage tourne à la fable mal ficelée.
Puis, en novembre 2000, un retournement dramatique bouleverse l’affaire. Yohann, 17 ans, confie aux enquêteurs que sa mère aurait tué son mari par accident, au cours d’une violente dispute, et qu’il aurait aidé, avec son frère, à maquiller la scène en simulant un cambriolage. La révélation est fracassante. Mais à peine six jours plus tard, le jeune homme revient sur ses aveux, dénonçant des pressions exercées par les forces de l’ordre pour le pousser à mentir.
Malgré l’absence d’arme du crime, de mobile solide et de preuves formelles, Edwige Alessandri est mise en examen et incarcérée. Les procédures judiciaires s’enchaînent avec lenteur. En 2006, à Avignon, elle est jugée coupable et condamnée à douze ans de réclusion. La cour d’appel confirme la sentence en 2007. Mais un vice de forme fait tout basculer : la Cour de cassation annule la décision, et l’affaire repart à zéro.
Un troisième procès s’ouvre en 2009, cette fois à Lyon. Les doutes persistent, les certitudes vacillent, mais le verdict tombe : dix ans de prison. Pourtant, un élément nouveau surgit bientôt du néant. Des mégots de cigarette, retrouvés près du lieu du crime, portent l’ADN d’un cambrioleur multirécidiviste. L’hypothèse d’un vol qui aurait mal tourné refait surface. Mais cet homme, dont l’ombre plane désormais sur l’enquête, ne sera jamais inquiété. En 2012, un espoir timide renaît. La commission de révision des condamnations pénales accepte d’examiner le dossier et ordonne un supplément d’enquête. Pour Edwige, qui clame toujours son innocence, ce pourrait être l’ultime lueur. Pourtant, la procédure s’enlise, et aucun nouveau procès n’aura lieu. Le mystère, lui, demeure entier.
