L’affaire débute dans la nuit du 4 au 5 février 1980, lorsque le corps de Maître Jean Flauder, notaire respecté de Cons-la-Grandville, est retrouvé criblé de balles au bord d’une route isolée à Muzeray, dans la Meuse. Le cadavre présente six impacts de balle, dont quatre tirés dans la tête, ce qui laisse penser à une exécution méthodique. L’enquête s’oriente d’abord vers un règlement de comptes lié à la revente de biens immobiliers dans une région sidérurgique alors en crise.
Très vite, un couple de gitans est arrêté après la découverte chez eux d’un revolver du même calibre que celui utilisé lors du crime. L’expertise balistique semble confirmer le lien avec l’arme du meurtre. Pourtant, l’absence de mobile crédible mène à un non-lieu prononcé en 1985, laissant l’enquête au point mort.
Pendant neuf années, l’affaire reste sans issue. Ce n’est qu’en décembre 1989, dans le cadre d’une enquête pour malversations financières, que le nom d’un autre notaire, Maître Arnaud Thomas-Chevallier, refait surface. Placé en garde à vue, il demande à sa maîtresse de faire disparaître une arme cachée dans son étude, avant de lui avouer dans un moment de panique : « J’ai tué Flauder ».
La maîtresse, bouleversée, prévient la police. La perquisition permet de retrouver l’arme, et deux expertises balistiques confirment qu’il s’agit bien de celle utilisée pour tuer Me Flauder. Cet élément relance l’enquête, qui met à jour une rivalité professionnelle entre les deux notaires, sur fond de crise économique locale.
Tout au long de l’instruction, Thomas-Chevallier nie toute implication. Il évoque un état mental fragile à l’époque des faits, prétendant qu’il n’aurait pas été en capacité de commettre un tel crime. Pourtant, les témoignages à la barre dressent le portrait d’un homme manipulateur, ambitieux et cynique, prêt à tout pour se hisser dans le monde notarial.
En mars 1995, la cour d’assises de la Meuse le reconnaît coupable du meurtre sans préméditation de Jean Flauder et le condamne à 18 ans de réclusion criminelle. Deux ans plus tard, il écope de 14 années supplémentaires de prison pour escroqueries, abus de confiance, et faux en écriture publique. Libéré en 2002, l’ancien notaire n’a jamais cessé de clamer son innocence.
Depuis sa sortie, il a été de nouveau mis en examen pour une escroquerie à l’assurance portant sur 290 000 euros. Condamné à quatre ans de prison ferme, il voit cette peine confirmée en appel en juillet 2005, sans placement immédiat en détention.
Malgré l’ouverture d’une éventuelle procédure en révision confiée à Me Florand, avocat connu pour sa défense de Patrick Dils, aucune décision nouvelle n’a encore été rendue. L’ombre de Me Thomas-Chevallier continue ainsi de planer sur l’un des crimes les plus mystérieux de la région lorraine.


